CERIJE CEntre de Recherche Interdisciplinaire en JuritraductologiE
CERIJECEntre de Recherche Interdisciplinaire en JuritraductologiE

ÉLARGISSEMENT DE L’UE:
LE CROATE FAIT SON ENTRÉE À LA DG TRADUCTION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE


Sonia Ahlbrecht

Direction Générale de la Traduction

Commission européenne

 

Depuis le 1er juillet 2013, l’Union européenne compte un nouvel État membre, la Croatie, et une nouvelle langue officielle, le croate. En 55 ans, l’UE est ainsi passée de six États membres et quatre langues officielles à 28 États membres et 24 langues officielles. Le principe du multilinguisme, inscrit dans le règlement n° 1 du Conseil de 1958[1], est en effet un principe fondateur de l’Union: «[l]es règlements et les autres textes de portée générale sont rédigés dans les langues officielles». Les articles 20 et 24 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoient également que les citoyens ont le droit de s’adresser aux institutions et organes de l’UE dans l’une de ses langues officielles et de recevoir une réponse dans la même langue. Dans ce cadre, la mission de la direction générale de la traduction (DGT) de la Commission européenne consiste à fournir à la Commission des services de traduction et de conseil linguistique afin de répondre à ses besoins en matière de communication écrite dans toutes les langues officielles[2].

La traduction de l’acquis communautaire relevant de la compétence du futur État membre, c’est la Croatie, à travers son unité nationale de traduction et de coordination, qui s’est chargée de le traduire en croate. Elle a bénéficié à cette fin du soutien des services juridiques respectifs du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Forte de son expérience des élargissements précédents, notamment celui de 2004 à dix nouveaux États membres et neuf nouvelles langues, la DGT a préparé l’élargissement à la Croatie en formant, dès 2004, une vingtaine de ses traducteurs au croate et en créant, le 1er mars 2010, la task‑force «Élargissement Croatie», chargée de faire en sorte que le futur département de langue croate[3] soit opérationnel à la date de l’adhésion.

La task-force «Élargissement Croatie» de la DGT a ainsi préparéles recrutements nécessaires à la création du département de langue croate, a noué des contacts avec l’unité nationale de traduction et de coordination, les universités, ainsi que les associations et organisations nationales de traducteurs en Croatie, a soutenu l’unité «Traduction externe» dans la prospection du marché croate de la traduction indépendante, a créé une antenne de la DGT à Zagreb un an avant l’adhésion, a établi des modèles d’actes avec le service juridique et la DG Agriculture (actes périodiques agricoles) de la Commission, a traité une grande partie de l’acquis communautaire afin de constituer des mémoires de traduction et a traduit plusieurs documents volumineux ne faisant pas partie de l’acquis (budget, rapport général, statut du personnel, etc.), des sites internet (dont ceux des commissaires) et les propositions législatives devant être publiées juste après l’adhésion. La première traductrice croate est arrivée à Bruxelles le 16 juin 2011. Au 1er juillet 2012, la task‑force «Élargissement Croatie» comptait dix-neuf traducteurs croates. Un an plus tard, à la date de l’adhésion, le département de langue croate comptait trente‑six traducteurs, répartis entre Bruxelles et Luxembourg, et ceux-ci avaient déjà traduit près de 12 000 pages, essentiellement de l’anglais vers le croate. À terme, le département croate devrait être doté d’une soixantaine de traducteurs. Un premier concours de traducteurs de langue croate, destiné à pourvoir trente postes, a déjà été organisé et un second, visant à pourvoir une trentaine de postes supplémentaires, est prévu au second semestre de 2014. En attendant ces recrutements, les traducteurs croates sont soumis à une pression très forte, leur charge de travail étant comparable à celle des autres départements linguistiques. Le département croate doit donc également recourir à la traduction externe, moyennant révision interne. Quant à la demande de traduction à partir du croate, elle demeure limitée, mais devrait augmenter progressivement, notamment dans le domaine juridique (traduction de mémoires pour le service juridique de la Commission, traduction de lois croates pour permettre aux services de la Commission de contrôler la bonne transposition du droit de l’UE, etc.).

Enfin, le travail de sensibilisation des universités croates à la nécessité d’offrir des formations de haut niveau au métier de traducteur, entamé par la task‑force «Élargissement Croatie», se poursuit dans le cadre du réseau EMT (European Master of Translation – Master européen de traduction). Les universités de Zagreb et de Zadar, notamment, pourraient à l’avenir présenter leur candidature en vue d’obtenir le label «EMT» pour leur master de traduction. Le principal point faible des formations existantes réside dans le fait qu’elles se limitent à une seule langue étrangère (anglais-croate, français-croate ou allemand‑croate, par exemple) et ne satisfont donc pas aux critères de recrutement des institutions de l’UE, même si de nombreux étudiants de master connaissent une ou deux autres langues étrangères. Il appartient donc aux différents départements linguistiques des universités croates, trop souvent cloisonnés, de travailler davantage ensemble pour que cela devienne possible.

 



[1] Ce règlement fixe le régime linguistique de l’Union européenne.

[2] Chaque institution de l’UE possède son propre service de traduction. Dans le cas de la Commission européenne, il s’agit de la direction générale de la traduction («DG Traduction» ou «DGT»).

[3] La DGT est organisée en départements linguistiques et compte autant de départements linguistiques que l’UE compte de langues officielles. Neuf nouveaux départements linguistiques ont ainsi été créés en 2004 (estonien, hongrois, letton, lituanien, maltais, polonais, slovaque, slovène et tchèque) et trois en 2007 (bulgare et roumain, ainsi qu’irlandais).

A paraître: 

Publications:

Popineau Joëlle (2021), « Traduire les jurilectes ou technolectes juridiques dans la presse anglaise et française – approche juritraductologique et terminologique » Meta, LXVI (2), p. 427-450.

 

Silvia Ponce Gónzalez, El derecho a la interpretación y traducción en el anteproyecto de reforma de la Ley de Enjuiciamiento Criminal de 2020. (RI §424021), Revista Genereal de Derecho Procesal, N°55 septiembre de 2021

Carmen Expósito Castro Glosario terminológico judicial (francés-español), Sindéresis, 2020

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