La Directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales est en cours de transposition en France. Rappelons que cet instrument européen est le résultat d’un long processus de concertations et de discussions, débuté en 2003, pour la mise en place de garanties procédurales dans les procédures pénales des États membres. Cette Directive renforce le droit à l’assistance linguistique des suspects et des personnes poursuivies et met en place des moyens concrets afin de garantir l’effectivité de ce droit[1].
C’est le premier instrument qui reconnait séparément le droit à un interprète et le droit à une traduction. Aussi la Directive se démarque-t-elle des instruments antérieurs tels la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Statut de Rome qui ne consacrent, textuellement, que le droit à un interprète. Par cette distinction, la Directive renforce le contenu substantiel de chacun de ces deux droits.
Suite aux débats menés à l’Assemblée nationale et au Sénat[2], les dispositions de la Directive intègrent l’ordonnancement juridique français. Le droit à l’assistance linguistique (DALAL) qu’elle consacre « entre dans le code de procédure pénale par la grande porte, puisqu’il figurera au sommet, donc à l’article préliminaire qui énonce les grands principes de la procédure pénale et le droit à un procès équitable »[3].
Concrètement, la Directive 2010/64/UE est transposée au chapitre III de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France[4].
Deux modifications majeures sont opérées :
- D’une part, le III de l'article préliminaire du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si cette personne ne comprend pas la langue française, elle a droit, dans une langue qu'elle comprend et jusqu'au terme de la procédure, à l'assistance d'un interprète, y compris pour les entretiens avec son avocat ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience, et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès qui doivent, à ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code. » ;
2° A la première phrase du troisième alinéa, les mots : « cette personne » sont remplacés par les mots : « la personne suspectée ou poursuivie ».
- D’autre part, les dispositions générales du titre X du livre V du même code sont complétées par un article 803-5 ainsi rédigé :
« Art. 803-5. - Pour l'application du droit d'une personne suspectée ou poursuivie, prévu par le III de l'article préliminaire, à un interprète ou à une traduction, il est fait application du présent article.
« S'il existe un doute sur la capacité de la personne suspectée ou poursuivie à comprendre la langue française, l'autorité qui procède à son audition ou devant laquelle cette personne comparaît vérifie que la personne parle et comprend cette langue.
« A titre exceptionnel, il peut être effectué une traduction orale ou un résumé oral des pièces essentielles qui doivent lui être remises ou notifiées en application du présent code. »
La partie législative de la transposition franchie, un décret d'application a été adopté le 25 octobre 2013 afin de mettre en oeuvre les dispositions de l'article préliminaire et de l'article 803-5 du code de procédure pénale. Lire le décret...
Le Cerije commentera dans les prochaines semaines l'ensemble des dispositions relatives à la transposition et qui soulèvent de nombreuses interrogations.
Cet article a été mis en ligne le 5 septembre 2013 et modifié le 29 octobre 2013. Tous droits réservés ©
[1] Pour une étude spécifique de la Directive et de ses apports, v. S. Monjean-Decaudin, « L’Union européenne consacre le droit à l’assistance linguistique dans les procédures pénales », Revue Trimestrielle de Droit Européen, n° 47 (4), oct.-déc. 2011, pp. 763-781.
[2] Le projet de loi a été adopté en 1ère lecture par l'Assemblée nationale le 15 mai 2013, puis modifié en 1ère lecture par le Sénat le 27 mai 2013. Le texte a ensuite été adopté par l'Assemblée nationale le 23 juillet 2013 puis par le Sénat le 25 juillet 2013.
[3] Propos de Mme Colette Capdevielle, à l’Assemblée nationale, Session ordinaire de 2012-2013, Compte rendu intégral, Première séance du mercredi 15 mai 2013, http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2012-2013/20130237.asp